Le droit de l’Union européenne, et avant lui celui des Communautés européennes, a su prendre, dans l’ordre juridique interne, une place particulière. Particulière, d’abord, parce que la grande majorité des lois votées aujourd’hui en France le sont en vue de transposer des actes européens. Particulière ensuite, parce que les mécanismes d’intégration dont il jouit sont inédits et spécifiques. On en trouvera deux exemples éclairants dans les arrêts CE, Ass, 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et CE, Sect, 2008, Conseil national des Barreaux.

Dans le premier arrêt, le Conseil d’État était confronté aux requêtes de plusieurs sociétés, dirigées contre des actes réglementaires pris en application de dispositions législatives visant à transposer en droit interne une directive relative à la lutte contre la pollution et, en particulier, mettant en place un système de quotas pour les émissions de gaz à effet de serre. Les moyens des requérants étaient tirés, notamment, de la violation de plusieurs principes de valeur constitutionnelle, et de droits et obligations fondamentaux. Le Conseil d’État organise les modalités du contrôle des actes de transposition des directives européennes lorsque sont invoqués à leur encontre des dispositions constitutionnelles. Appliquant la méthode ainsi élaborée, il juge certains moyens mal fondés, mais sursoit à statuer dans l’attente de la réponse à la question posée par voie préjudicielle à la CJUE sur la validité de la directive au regard du principe d’égalité.

L’arrêt Conseil national des Barreauxconstitue la solution du Conseil d’État apportée à la requête de l’ordre professionnel et d’autres organismes dirigée contre un décret pris pour l’application de dispositions législatives transposant une directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. L’intérêt de l’argumentation développée par les requérants résidait dans le moyen tiré de l’exception de non-conformité de la directive et de la loi de transposition à la Convention européenne des droits de l’Homme ainsi qu’à des principes généraux du droit communautaire.

Dans les deux cas, la question posée à la Haute juridiction administrative était celle des modalités de contrôle des actes internes de transposition des directives européennes. Les deux arrêts sont complémentaires en ce sens que le premier traite, en particulier, du sort à réserver aux actes réglementaires, là où le second aborde, sous le même angle, la question des lois de transpositions. Ils fournissent tous deux les méthodes du juge administratif lorsqu’il est confronté à un moyen tiré de la contradiction des directives ou des actes internes avec une norme fondamentale protégée par la Constitution. La bonne compréhension de ces arrêts nécessite, en premier lieu de redéfinir les données du problème, tirés des difficultés d’articulation entre les ordres juridiques (I), afin de pleinement saisir le caractère souple du contrôle établi par le Conseil d’État (II).

  • I - Les données du problème : l’articulation des ordres juridiques et l’intégration progressive du droit de l’Union dans le bloc de la légalité administrative
    • A - Le détachement progressif du droit de l’Union du droit international
    • B - L’admission par étape du contrôle de conformité européen par le juge administratif
  • II - La solution au problème : l’articulation souple des contrôles
    • A - L’établissement d’une chronologie des contrôles
    • B - Un contrôle qui limite l’office du juge administratif
  • CE, ass., 08/02/2007, So. Arcelor Atlantique et Lorraine
  • CE, sect., 10/04/2008, Conseil national des Barreaux

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