La France a toujours participé à la vie de la communauté internationale. Elle entretient des relations internationales et conclut des accords, bilatéraux et multilatéraux. Certains d’entre eux sont producteurs d’effets en droit interne.

Elle a même continué d’avoir des relations, notamment juridiques, avec ses anciennes colonies, et notamment l’Algérie. En effet, dès le 19 mars 1962, une déclaration de principes relative à la coopération économique et financière a été signée entre la France et l’Algérie. Son article 7 reconnaît notamment aux Algériens vivant en France les mêmes droits que les Français, à l’exception des droits politiques. Un accord franco-algérien du 27 décembre 1968 fixe les conditions d’entrée et de séjour des Algériens en France. Cet accord a connu plusieurs modifications. Ainsi, la convention du 22 décembre 1985 prévoit les modalités d’autorisation de travail et de regroupent familial des Algériens en France. La circulaire interministérielle du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation et du ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale du 14 mars 1986 relative aux conditions de circulation, d’emploi et de séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille précise la convention du 22 décembre 1985.

Le 14 mai 1986, le Groupement d’Information et de Soutien des Travailleurs immigrés (GISTI) saisit le Conseil d’Etat pour faire annuler la circulaire du 14 mars 1986. C’est une saisine directe du Conseil d’Etat car l’acte contesté émane directement des ministres. Par ce recours, l’association d’aide aux étrangers entend défendre les droits des travailleurs Algériens en France. La Haute Juridiction s’est réunie en Assemblée plénière, ce qui signifie que l’arrêt revêt une importance particulière.

Conformément à sa jurisprudence classique, le Conseil d’Etat contrôle la conformité des circulaires par rapport aux conventions internationales. Ce contrôle suppose la compréhension – et donc l’interprétation - des tenants et des aboutissants du traité. La question se pose de savoir quelle est l’autorité compétente pour interpréter les traités. Est-ce le ministère des Affaires étrangères qui a participé à la rédaction du traité ou bien le juge qui doit trancher le litige qui se présente à lui ?

Dans l’affaire GISTI, la circulaire du 14 mars 1986 prise par deux ministres prolonge les conventions internationales conclues par le gouvernement. Le Conseil d’Etat contrôle cette circulaire et annule même une de ses dispositions. Cette circulaire n’est donc pas incontestable. Cependant, la Haute Juridiction va plus loin en interprétant, non pas seulement la circulaire contestée, mais les dispositions même du traité sans se référer explicitement à l’avis du ministre des Affaires étrangères. Une telle attitude constitue un revirement de jurisprudence. Normalement, le juge administratif demande et suit l’interprétation donnée par le Quai d’Orsay.

Pour prendre la mesure de ce revirement, il faut replacer cet arrêt dans l’évolution du rôle du juge en matière de contrôle de conformité aux traités. Une telle mise en perspective permet d’évaluer l’apport de la jurisprudence GISTI mais également ses insuffisances. Ainsi, l’arrêt GISTI de 1990 intervient à la suite d’une évolution jurisprudentielle (I) mais elle ne l’achève pour autant pas (II).

  • I - Une évolution jurisprudentielle aboutissant à l’arrêt GISTI de 1990
    • A - L’interprétation préjudicielle du ministre des Affaires étrangères dans la jurisprudence traditionnelle
    • B - L’implication croissante du juge dans le contrôle des actes au regard du droit international
  • II - L’émancipation prolongée de l’interprétation gouvernementale par le juge administratif
    • A - Les raisons du revirement
    • B - Des évolutions ultérieures pour parfaire le contrôle
  • CE, ass., 29 /06/1990, GISTI

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