Rares sont les théories aussi décriées, aussi mal admises, tant par la jurisprudence qui, si elle en préserve le régime, refuse d’en prononcer le nom, que par la doctrine, qui n’y voit que la survivance d’un archaïsme juridique dont il faudrait se défaire, que celle des actes de Gouvernement. On la rattache traditionnellement à l’arrêt CE, 19 février 1875, Prince Napoléon.
Le Prince Napoléon-Joseph Bonaparte, cousin de l’empereur Napoléon III, occupa durant le second Empire et postérieurement plusieurs fonctions politiques et militaires. Par décret de l’Empereur, il fut notamment élevé au rang de général de division. Son nom ayant été omis de l’Annuaire militaire, le prince Napoléon en sollicita la réintégration du Ministre de la Guerre. Celui-ci refusa d’y faire droit et le prince Napoléon saisit le Conseil d’État.
L’essentiel de l’apport de l’arrêt réside plus dans le non-dit que dans le dit. Le Conseil d’État admet la recevabilité du recours, alors même que le Ministre avait soulevé le mobile politique de la décision, et, partant, le fait que, cette dernière relevant de la catégorie des actes de gouvernement, le recours se trouvait irrecevable. S’appuyant sur les conclusions de son Commissaire du Gouvernement, le Conseil d’État rejette la requête au fond, sans faire aucune mention à la nature de l’acte.
Cette solution a constitué une étape importante de l’affermissement du contrôle du juge administratif sur les actes de l’administration. Elle soutient le principe selon lequel la compétence du juge est de principe et son incompétence, l’exception. Il faut à ce titre noter la proximité temporelle de cette décision avec la pleine indépendance acquise par le Conseil d’État dans le cadre de la justice déléguée (loi du 24 mai 1872).
L’arrêt Prince Napoléon, s’il renouvelle la catégorie, en la rendant toutefois plus difficile à saisir (I), n’a pas épuisé la question et doit être lu au regard du développement contemporain de l’État de droit (II).
- I - Un renouvellement de la catégorie
- A - Une redéfinition inachevée de la notion
- B - Actes de Gouvernement et contrôle juridictionnel
- II - Pérennité de la notion et perspectives contentieuses
- A - Un maintien de la catégorie
- B - Le développement difficile de palliatifs à l’immunité des actes de Gouvernement
- CE, 19/02/1875, Prince Napoléon