L’année 2015 s’est terminée aussi violemment qu’elle avait commencé. L’attaque terroriste du 13 novembre faisait suite à l’attentat contre le journal satirique Charlie Hebdo perpétré en début d’année. Dans la nuit du 13 au 14 novembre, le chef de l’État a annoncé l’adoption du décret déclarant l’état d’urgence prévu par la loi de 1955. C’est à l’occasion de la contestation de mesures prises sur ce fondement que le Conseil d’État fut amené à délimiter les modalités du contrôle que le juge administratif est tenu de réaliser. Par une série de sept arrêts rendus le même jour, il tente d’assurer la conciliation entre préservation des libertés fondamentales et maintien de l’ordre public.

En substance, les requérants, isolément les uns des autres, ont introduit des recours sur le fondement de l’article L. 521-2 CJA relatif au référé-liberté. Parmi eux, l’arrêt Domenjoud (req. n°395009) est le seul à avoir reçu les honneurs d’une publication au recueil Lebon. Les arrêts, bien que rendus isolément les uns des autres, ont toutefois été publiés le même jour et traitent de questions très proches, tant dans les problèmes de droit soulevés que dans les faits d’espèce. S’agissant de monsieur Domenjoud, il avait été astreint à résidence, avec obligation de « pointer » trois fois par jour au commissariat de son lieu de résidence, et de résider tous les soirs, entre 20h et 6h à son domicile. La décision se référait au passé d’activiste écologiste du requérant et de la menace qu’il était susceptible de faire porter à la tenue de la conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, dite COP 21, ayant lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Une autre affaire était fondée sur les mêmes faits. Dans toutes les autres, les mesures prises étaient identiques, mais visaient des activistes rennais ayant participé à la manifestation anti-mondialiste contre l’exposition universelle de Milan en mai 2015. Dans ces dernières affaires, le Conseil statuait en tant que juge de cassation, les référés portés devant le Tribunal administratif de Rennes ayant rejetés leurs recours sur le fondement de l’article L.521-3 CJA (relatif aux « ordonnances de tri », par lequel un juge unique rejette sans débat contradictoire des requêtes qu’il estime manifestement mal fondées). Dans les autres affaires, il était saisi en appel contre les décisions rendues en premier ressort par les Tribunaux administratifs de Melun et Rennes.

Le Conseil d’État était confronté à une série de problèmes de droit. Il devait ainsi prendre position sur l’office du juge des référés-libertés lorsqu’est soulevée devant lui une Question prioritaire de constitutionnalité. Il était également amené à traiter des modalités concrètes du contrôle qu’il entend réaliser. Il était par ailleurs invité à organiser l’articulation entre contestation de l’état d’urgence et droit, notamment européen, des droits de l’Homme, ou encore droits tirés de la procédure administrative non contentieuse. Il lui revenait, enfin, de prendre position sur la force probante des documents des services de renseignements.

Les décisions commentées doivent être replacées dans leur contexte juridique. L’office du juge y était doublement spécifique. Il statuait en tant que juge des référés-libertés (I) dans le cadre d’une légalité d’exception (II). Cette double particularité rend les arrêts intéressants.

  • I - La définition d’un office particulier du juge des référés-libertés dans le cadre de l’état d’urgence
    • A - Le juge et les circonstances exceptionnelles
    • B - L’office efficace du juge des référés-libertés
  • II - Les modalités de contrôle du juge administratif des référés-libertés dans le cadre de l’état d’urgence
    • A - Les principes du contrôle du juge administratif
    • B - Les conditions particulières et concrètes du contrôle
  • CE, sect., 11/12/2015, Domenjoud et a.

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