La voie de fait est une de ces théories dont on ne situe plus exactement l’origine. Dans un contexte de légitimation de l’office du juge administratif dans la protection des libertés fondamentales, notamment du fait des évolutions de l’état d’urgence et du dessaisissement du juge judiciaire, la théorie de la voie de fait, que l’on a appelé un temps « la folle du logis » fait office de point de tension de la guerre picrocholine que se livrent le juge judiciaire et le juge administratif. La décision du Tribunal des conflits du 17 juin 2013, M. Bergoend c/ société ERDF Annecy Léman, n°3911 tranche pourtant en faveur de ce dernier.

En l’espèce, M. Bergoend est propriétaire depuis 1990 d’un terrain sur lequel EDF, devenue ERDF Annecy Léman a installé un poteau électrique. Il existait, à l’époque, une procédure obligatoire que devait suivre EDF, fixée par décret. L’instruction a démontré que l’ancienne société publique n’avait pas suivi cette procédure. En 2009, le requérant a assigné la société devant le Tribunal de grande instance territorialement compétent aux fins de faire enlever le poteau. En 2011, le Tribunal a décliné sa compétence, ainsi que la Cour d’appel, saisie postérieurement. La Cour de cassation, saisie par pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel, a renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits sur le fondement de l’article 35 du décret du 26 octobre 1849. Le Tribunal devait qualifier les agissements de la société EDF pour déterminer si elle pouvait rejoindre la définition de la voie de fait, avec pour conséquence l’attribution de la compétence au juge judiciaire, ou non.

Le Tribunal, rejetant le pourvoi du requérant, redéfinit substantiellement le périmètre de la voie de fait. Ce revirement de jurisprudence prend acte des évolutions du droit positif qui fragilisent cette théorie (I). Il cantonne désormais la voie de fait dans un périmètre résiduel (II).

  • I - Un revirement prenant acte des évolutions du droit
    • A - Les conditions dépassées d’apparition et lajustification de la notion de voie de fait
    • B - Un renforcement de la protection des libertés par le juge administratif
  • II - Le domaine résiduel de la voie de fait
    • A - L’atteinte limitée à la liberté individuelle
    • B - L’exigence d’une extinction du droit de propriété
  • TC, 17/06/2013, M. Bergoend c/ société ERDF Annecy Léman

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