Le contrôle de légalité n’a cessé, depuis la fin du XIX° siècle, de s’étendre. Cette œuvre est, essentiellement, le fait du Conseil d’Etat qui, au fil de ses décisions, a étendu le champ des griefs pouvant être invoqués pour contester la légalité d’un acte administratif. Parmi ceux-ci, figure l’erreur dans les motifs de fait à laquelle l’arrêt Camino vient donner une nouvelle dimension.

En l’espèce, M. Camino, maire d’Hendaye, a été suspendu de ses fonctions par un arrêté du Préfet du département des Basses-Pyrénées en date du 30/03/1915, puis révoqué par un décret du 24/04/1915. Il lui était reproché de ne pas avoir veillé à la décence d’un convoi funèbre auquel il assistait, en faisant introduire un cercueil par une brèche ouverte dans le mur d’enceinte du cimetière et en faisant creuser une fausse insuffisante pour marquer son mépris à l’égard du défunt. Il était également accusé d’avoir exercé certaines vexations à l’égard d’une ambulance privée, dit ambulance de la page. Mécontent, l’intéressé demanda, alors, au Conseil d’Etat d’annuler ces deux décisions. Le 14/01/1916, la Haute juridiction fit droit à sa requête au motif que le premier grief était fondé sur des faits matériellement inexacts et que le second reposait sur des faits qui, outre qu’ils étaient incomplètement établis, ne constituaient pas une faute disciplinaire.

Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat complétait son panel de pouvoirs de contrôle sur les motifs de faits. Jusqu’à présent, en effet, il ne vérifiait que l’absence d’erreur dans la qualification juridique des faits : ici, la question de savoir si les comportements imputés à M. Camino constituent ou non une faute. Dorénavant, la Haute juridiction se reconnaît le pouvoir de contrôler leur exactitude matérielle, c’est-à-dire la capacité de déterminer si ces faits se sont réellement produits. Ce pouvoir connaît, cependant, une limite : le juge administratif ne peut apprécier l’opportunité d’un acte qui demeure une question extérieure au contrôle de légalité.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la consécration du contrôle de l’exactitude matérielle des faits (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la mise en œuvre du contrôle de la qualification juridique des faits (II).

  • I – La consécration du contrôle de l’exactitude matérielle des faits
    • A – L’objet du contrôle
    • B – Un champ d’application illimité
  • II – La mise en œuvre du contrôle de la qualification juridique des faits
    • A – L’objet du contrôle
    • B – Un champ d’application limité
  • CE, 14/01/1916, Camino

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