« Ma tâche de défense nationale et de salut public est à son terme. Le pays est libre, vainqueur, en ordre. Il va parler en toute souveraineté. Pour que je puisse entreprendre à sa tête une nouvelle étape, il faudrait que ses élus s'y prêtent, car, dans l'univers politique, nul ne saurait gouverner en dépit de tout le monde. Or l'état d'esprit des partis me fait douter que j'aie, demain, la faculté de mener les affaires de la France comme je crois qu'elles doivent l'être. J'envisage donc de me retirer », confiait au socialiste Léon Blum le Général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, à l’automne 1945.

Après le Régime de Vichy qui a « emporté » la IIIe République, puis la Libération de la France de l’occupant nazi, un référendum est organisé à l’occasion des élections législatives du 21 octobre 1945 pour demander aux français de répondre notamment à la question suivante : « L’Assemblée élue ce jour doit-elle être constituante ? ». Les français firent largement le choix du « Oui » à la mise en œuvre d’une nouvelle Constitution. Pour autant, quelques semaines plus tard, le 20 janvier 1946, le Chef de la France libre démissionnait de la tête du gouvernement : « le régime exclusif des partis a reparu. Je le réprouve. Mais à moins d’établir par la force une dictature dont je ne veux, et qui, sans doute, tournerait mal, je n’ai pas les moyens d’empêcher cette expérience. Il faut donc me retirer », déclarait-il alors. Un premier projet de Constitution – largement instigué par le parti communiste français – est adopté le 19 avril 1946 par la Constituante, mais il est rejeté par les français lors du référendum du 5 mai. Celui-ci mettait en œuvre un parlement monocaméral, élisant le chef du gouvernement et le président de la République, alors que la dissolution était quasiment impossible à mettre en œuvre compte tenu des conditions auxquelles son déclenchement était assorti. Une nouvelle assemblée constituante est donc élue en juin 1946. À l’issue de ce scrutin, le général de Gaulle prononce le célèbre discours de Bayeux, le 16 juin, où il dessine les contours de ses volontés institutionnelles pour la France. Il s’agit, en réalité, plus ou moins du fonctionnement qui sera retenu pour la mise en œuvre de la Ve République, douze années plus tard. Malgré tout, un nouveau projet de Constitution est adopté sans aller dans la direction souhaitée par de Gaulle, mais en s’inspirant assez largement des lois constitutionnelles de la IIIe République. Une forte abstention illustre le désintérêt des français dans un contexte où les difficultés économiques et sociales de l’après-guerre sont prégnantes. Pour autant, la Constitution de la IVe République est adoptée par référendum, le 13 octobre 1946, avant d’être promulguée le 27 octobre de la même année.

Évidemment, la question de la reproduction d’une dérive vers le parlementarisme absolu se pose dans le cadre de la mise en œuvre de la IVe République. Malgré des tentatives et un besoin de rationalisation du parlementarisme clairement affichés, la mise en œuvre de la Constitution de la IVe République laisse entrevoir un effacement certain de l’exécutif (I), tout en illustrant le renouvellement d’une forme de parlementarisme absolu à travers la toute-puissance de l’Assemblée (II).

  • I - L’effacement de l’exécutif malgré un besoin de rationalisation
    • A - L’effacement renouvelé de la fonction présidentielle dans l’architecture institutionnelle
    • B - La large subordination du gouvernement dans l’architecture institutionnelle
  • II - Le renouvellement d’un parlementarisme absolu, malgré les tentatives de rationalisation
    • A - L’échec des procédures de rationalisation du parlementarisme
    • B - La prééminence du légicentrisme sous la IVe République

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