En 1988, la France s’est dotée pour la première fois d’une Assemblée composée d’une majorité relative. Le Président de la République, François Mitterrand, avait alors dit : « Même relative, la majorité parlementaire existe ». Une telle citation montre la volonté des présidents de disposer d’une majorité absolue leur permettant de mener sans entrave leur action. En cas de majorité relative, ceux-ci tentent alors par des alliances de trouver une majorité leur permettant de gouverner.

La majorité relative désigne une situation où aucun groupe politique ne dispose de la majorité absolue. Pour disposer d’une majorité, un groupe politique doit compter 289 sièges sur 577 à l'Assemblée nationale. Une telle situation oblige le gouvernement à chercher des alliances pour faire adopter ses projets de loi. Elle s’oppose au fait majoritaire, qui désigne une situation politique dans laquelle le Président de la République dispose d’une majorité absolue stable à l’Assemblée nationale, lui permettant de gouverner sans blocage législatif. Ce concept est central dans le fonctionnement de la Ve République, où il assure une stabilité institutionnelle et un renforcement du pouvoir exécutif. Le fonctionnement des institutions fait ici notamment référence à l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, composé du Président de la République et du Gouvernement, et le Parlement, ainsi qu’aux outils juridiques et politiques utilisés pour gouverner dans ce contexte particulier.

Depuis l’instauration de la Cinquième République en 1958, les institutions ont été pensées pour éviter l’instabilité gouvernementale. En règle générale, le Président dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, et ce tout particulièrement depuis l’instauration du quinquennat et de l’inversion du calendrier législatif suite à la révision constitutionnelle de 2002. La majorité absolue lui permet alors d’appliquer son programme sans blocage. Avant 2022, un Président n’a obtenu de majorité relative suite à son élection qu’une seule fois, sous la présidence de François Mitterrand en 1988. En 2022, l’élection législative n’a également pas permis à Emmanuel Macron d’obtenir cette majorité, ce qui a bouleversé l’équilibre institutionnel. Face à un Parlement divisé, le gouvernement a dû recourir à des outils constitutionnels exceptionnels et composer avec une opposition fragmentée, rendant l’adoption des lois plus difficile. Du fait de cette situation complexe, le Président de la République Emmanuel Macron a dissout l’Assemblée nationale en 2024 pour clarifier la composition de l’Assemblée. La dissolution a toutefois conduit à une Assemblée encore davantage fragmentée, sans majorité claire.

Au vu de ces éléments, il convient de se demander dans quelle mesure l’absence de majorité absolue entre 2022 et 2024 a-t-elle modifié le fonctionnement des institutions de la Cinquième République et remis en question le modèle de présidentialisme majoritaire ?

Dans un premier temps, il conviendra d’étudier comment la majorité relative a conduit à une gouvernance parlementaire plus complexe, obligeant l’exécutif à recourir à des outils constitutionnels pour maintenir sa capacité d’action (I). Ensuite, il conviendra d’analyser les effets de cette situation sur la nature du régime politique et sur l’équilibre des pouvoirs, qui a évolué vers une forme de parlementarisme contraint (II).

  • I - Une gouvernance de l’exécutif entravée par l’absence de majorité absolue
    • A - Une fragmentation politique d’une ampleur inédite sous la Ve République depuis 2022
    • B - Le recours aux outils constitutionnels de rationalisation du parlementarisme comme moyen de contourner l’opposition en cas de majorité relative
  • II - La majorité relative, une situation de rééquilibrage institutionnel vers un parlementarisme contraint inédit sous la Ve République
    • A - Un Président contraint au retour à un rôle d’arbitre en période de majorité relative
    • B - Une revalorisation du rôle du Parlement et un retour aux logiques de coalition en période de majorité relative

Télécharger