« Pendant une grande partie de son existence, le Parlement européen aurait pu être qualifié à juste titre de "salon de discussion multilingue". Mais ce n’est plus le cas : le Parlement européen est désormais l’une des législatures les plus puissantes au monde, tant en termes de pouvoirs de contrôle législatif qu’exécutif ». Cette citation du Professeur David Farrell prononcée en 2007 trouve toute son importance dans le contexte dans lequel elle s’inscrit. Le traité de Lisbonne, signé la même année, marque, par l’instauration de la procédure législative ordinaire, un tournant dans l’exercice par le Parlement du pouvoir législatif, désormais placé sur un pied d’égalité avec le Conseil.
Les procédures législatives en droit de l’Union correspondent aux processus permettant l’adoption d’actes législatifs au niveau de l’Union européenne (UE). Le droit de l’Union différencie d’une part la procédure législative ordinaire et d’autre part la procédure spéciale. La procédure législative ordinaire, prévue par l’article 294 TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), est la procédure par défaut. Elle couvre la majorité des actes de l’Union. La procédure législative ordinaire a pour caractéristique d’inclure à la fois la commission en ce qui concerne l’initiative législative et, sur un pied d’égalité, le Parlement et le Conseil, en ce qui concerne l’adoption de la proposition d’acte. Seul ce dernier élément varie avec la procédure législative spéciale. En effet la Commission conserve le monopole de l’initiative législative dans le cas d’une procédure législative ordinaire comme dans celui d’une procédure législative spéciale. Cette dernière implique toutefois une rupture d’égalité entre le Parlement et le Conseil ou une modification du mode de vote des textes. L’adoption de l’acte se fait alors par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par le Conseil avec la participation du Parlement. Aux termes de l’article 289§2 TFUE, les procédures législatives spéciales ne sont applicables que dans certains cas spécifiquement déterminés par le TFUE.
La distinction entre procédure législative ordinaire et procédure législative spéciale a été introduite par le traité de Lisbonne. Avant cette clarification effectuée par le traité de Lisbonne, une multiplicité de procédures existait au fur et à mesure des traités successifs et des évolutions dans le rôle de chaque institution. Au fil des traités, le rôle du Parlement européen s’est affirmé, passant de la simple information ou consultation avec le traité de Rome, à une procédure de coopération avec l’Acte unique européen puis à une procédure de codécision avec le traité de Maastricht. Cette procédure de codécision est devenue la procédure législative ordinaire, aujourd’hui consacrée à l’article 294 TFUE. Plusieurs procédures subsistent néanmoins avec les procédures législatives spéciales dans les cas spécifiquement prévus par les traités, dans lesquels l’équilibre des rôles entre les institutions n’est pas préservé.
Au vu de ces éléments, il convient de se demander quelles sont les caractéristiques et quel est le déroulement des procédures législatives au sein de l’Union européenne ?
Pour répondre à cette problématique, il conviendra dans un premier temps de se pencher sur la procédure législative ordinaire et les éléments qui la caractérisent (I), pour ensuite étudier la procédure législative spéciale, ses caractéristiques et éléments d’assouplissement (II).
- I - Une procédure législative ordinaire fondée sur un équilibre institutionnel entre Commission, Parlement et Conseil
- A - La Commission, organe détenteur de l’initiative législative en droit de l’Union
- B - L’adoption de l’acte législatif, une procédure marquée par un équilibre égal entre Parlement et Conseil
- II - Une procédure législative spéciale en rupture avec les caractéristiques de la procédure législative ordinaire
- A - Définition et caractéristiques des procédures législatives spéciales
- B - Les clauses passerelles, un outil d’assouplissement du processus de prise de décision en matière de procédure législative spéciale