Certains arrêts sont destinés à entrer dans la postérité du droit administratif. Déterminer ce qui fait un « grand arrêt » apparaît souvent avec une évidence qui tient à sa structure et à la puissance de son considérant de principe ; lorsqu’une solution est posée de façon pédagogique et présente un champ d’application étendu, les conditions sont réunies pour le ranger parmi eux. C’est le cas de l’arrêt CE, Ass, 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris, qui renouvelle en profondeur l’approche du droit public économique français.
Le 19 octobre 2004, le Premier ministre a adopté un décret portant création de la MAPPP (Mission d’appui aux partenariats publics-privés), service à compétence nationale chargé d’appuyer les collectivités territoriales en particulier, et toute personne intéressée en général, dans l’évaluation préalable à la conclusion de contrats de partenariats, conformément à l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004. Cette dernière avait autorisé la conclusion par les personnes publiques de contrat par lequel elles confient la construction, l’exploitation, et, surtout, le pré-financement d’infrastructure à des personnes privées. La constitutionnalité de ces dispositions n’avait été reconnue qu’à la condition que cette modalité contractuelle apparaisse comme la seule possible. Aussi, les personnes publiques désireuses d’y recourir étaient tenues d’effectuer une évaluation préalable des modes contractuels à leur disposition. C’est ici qu’intervient la MAPPP, chargée de leur fournir un appui méthodologique à la fois sur le plan juridique et économique, ainsi que des conseils dans la conclusion et le suivi de tels contrats. Mais le cœur du contentieux se situe dans le fait qu’en adoptant le décret contesté, le Premier ministre a, en réalité, étendu les compétences de la MAPPP. L’ordonnance ne prévoyait l’intervention de la MAPPP que pour la phase d’évaluation. Du reste, il aurait été impossible au requérant de contester la légalité de l’ordonnance. C’est donc bien l’extension des compétences de la MAPPP par le décret qui a cristallisé la contestation.
L’ordre des avocats au Barreau de Paris a saisi le Conseil d’État, compétent en premier et dernier ressort s’agissant d’un décret du Premier ministre, d’une requête en annulation. Il estimait, en effet, qu’en proposant notamment des services de conseils juridiques, la MAPPP leur faisait concurrence. Le Conseil d’État rejette le recours. Par économie de moyen, il fonde sa solution sur un motif unique tenant à l’absence d’intervention économique de la MAPPP. Mais l’intérêt et la portée de cet arrêt réside dans ce qu’il prend soin de façonner un considérant de principe qui renouvelle l’approche du droit public économique et étend les possibilités d’action économique des personnes publiques.
Par l’arrêt Ordre des avocats au Barreau de Paris, le Conseil renouvelle en profondeur dans le sens d’une libéralisation son appréciation des conditions d’intervention économique d’une personne publique (I). En appliquant cette nouvelle grille de lecture au cas d’espèce, il précise cependant que ces principes économiques ne trouvent à s’appliquer que dans le cadre d’une intervention sur un marché concurrentiel (II).
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I - Le renouvellement des conditions d’intervention économique des personnes publiques
- A - Le double fondement à la compétence du Premier Ministre
- B - Une synthèse des principes applicables à l’intervention économique des personnes publiques
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II - Un principe fondamental circonscrit à l’intervention économique
- A - Un champ d’application limité aux activités économiques
- B - Une solution prolifique
- CE, ass., 31/05/2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris