Les municipalités jouent un rôle de plus en plus crucial dans la satisfaction des besoins collectifs. Cette fonction les amène, régulièrement, à créer, à côté des services publics obligatoires, divers services publics administratifs à caractère facultatif, tels que des crèches, des cantines ou, encore, des écoles de musique. Afin d’en permettre un accès facilité, il est fréquent qu’elles pratiquent des modulations tarifaires en fonction du domicile ou des revenus des familles. Se pose, alors, la question de la légalité de ces différences de tarifs au regard du principe d’égalité devant le service public. C’est cette question qu’a à trancher le Conseil d’Etat dans les arrêts Ville de Tarbes et Commune de Nanterre.

Dans la première affaire, le conseil municipal de la ville de Tarbes a fixé, par une délibération du 08/09/1980, le montant des droits d’inscription à l’Ecole nationale de musique de la ville. Le préfet des Hautes-Pyrénées ayant refusé, le 28/04/1981, de déclarer nulle de droit cette délibération, l’association a saisi le Tribunal administratif de Pau pour faire annuler la décision du représentant de l’Etat, ainsi que la délibération elle-même. Celui-ci lui a donné satisfaction par un jugement du 26/01/1982. La ville de Tarbes se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat qui, par un arrêt de section du 26/04/1985, confirme la solution des juges de Pau.

Dans la seconde affaire, le conseil municipal de la commune de Nanterre a adopté, les 07/06/1989 et 10/10/1989, deux délibérations fixant les droits d’inscription au conservatoire municipal de musique et de danse pour l’année 1989 – 1990. Sur déféré du préfet des Hauts-de-Seine, ces deux délibérations dont été annulées par le Tribunal administratif de Paris le 17/12/1993. La commune de Nanterre saisit donc le Conseil d’Etat afin de voir annulé ce jugement et rejeté le déféré du représentant de l’Etat. Par un arrêt de section du 29/12/1997, la Haute juridiction fait droit à sa requête.

Dans l’une et l’autre de ces affaires, les tarifs d’inscription étaient fixés en fonction des ressources des familles et du nombre de personnes vivant au foyer. La question posée au Conseil d’Etat étaient donc de savoir si ces différences de traitement étaient ou non contraires au principe d’égalité devant le service public (qui est tant un principe général du droit : CE, sect., 9/03/1951, Société des concerts du conservatoire ; qu’un principe à valeur constitutionnelle : CC, 12/07/1979, Loi sur les ponts à péage). Le Conseil d’Etat admet, en effet, que l’administration puisse pratiquer des tarifs différents lorsque, outre l’hypothèse où la discrimination est la conséquence d’une loi, il existe entre les usagers d’un service public des différences de situation ou qu’une nécessité d’intérêt général le justifie (CE, sect., 10/05/1974, Denoyez et Chorques). Ces deux motifs étaient invoqués par la ville de Tarbes en 1985, mais le Conseil d’Etat les avaient rejetés tant l’un que l’autre. En revanche, en 1997, la Haute juridiction fait évoluer sa position en admettant qu’il existe une nécessité d’intérêt général à ce que enfants issus de familles modestes puissent accéder à l’enseignement de la musique.

 Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le rejet par le Conseil d’Etat du motif tiré des différences de situations (I) et d’analyser, dans une seconde partie, le changement d’approche du juge administratif quant à l’existence d’une nécessité d’intérêt général (II).

  • I - Différences de situations : la position orthodoxe du Conseil d’Etat
    • A – Un motif de différence de traitement …
    • B – … non caractérisé par les différences de revenus
  • II - Nécessité d’intérêt général : une évolution bienvenue du Conseil d’Etat
    • A – Une admission limitée, hier, aux services publics sociaux
    • B – Une admission tardive pour les services publics culturels
  • CE, sect., 26/04/1985, Ville de Tarbes
  • CE, sect., 29/12/1997, Commune de Nanterre

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