Parmi les lois du service public, le principe de mutabilité occupe une place à part. En effet, à la différence des principes de continuité et d’égalité, il apparaît comme profondément tributaire de la vision que l’administration s’en fait, de sorte que les décisions prises sur son fondement peuvent aussi bien accroître la satisfaction des usagers qu’aller dans le sens inverse de ce qu’ils désirent. L’arrêt Vannier relève de la première hypothèse.

Cette affaire concerne les débuts de l’histoire de la télévision en France. Depuis 1948, un émetteur situé sur la Tour Eiffel diffusait des émissions sur la région parisienne. Un arrêté du 21/11/1948 prévoyait le maintien en exploitation de cet émetteur jusqu’au 01/01/1958. A la suite d’un incendie survenu le 03/01/1956, ces équipements ont été mis hors d’usage et aucune réparation n’a été effectuée. Au contraire, trois ministres ont décidé, par un arrêté du 26/04/1956, la cessation des émissions via cet émetteur : en effet, depuis 1948, de nouvelles technologies étaient apparues et permettaient une diffusion de meilleure qualité sur l’ensemble du territoire national. A titre de dédommagement du préjudice, ainsi, causé, l’arrêté du 1956 prévoyait d’allouer une somme de 20 000 francs aux propriétaires d’appareils récepteurs devenus inutilisables. M. Vannier était l’un de ceux-là. Avec le Groupement de défense des téléspectateurs 441 lignes, il a saisi le Conseil d’Etat pour faire annuler l’arrêté interministériel. Par un arrêt de section du 27/01/1961, la Haute juridiction a rejeté leur requête.

Le premier moyen invoqué par M. Vannier sous-tendait l’existence d’une faute de l’Etat du fait de l’absence de réparation des installations entre la survenue de l’incendie et la date à laquelle avait été décidée la cessation des émissions via ce canal. Le Conseil d’Etat rejeta ce moyen au motif que le délai entre ces deux dates était trop court pour assurer la remise en état demandée. Le cœur de la requête de M. Vannier concernait, cependant, le principe même de la cessation de la diffusion via cet émetteur. Là encore, la Haute juridiction opposa une fin de non-recevoir à l’intéressé en se fondant sur le principe de mutabilité qui irrigue tant les règlements administratifs que les services publics. Ce principe offre, en effet, aux autorités administratives, d’une part, une liberté totale pour abroger leurs règlements, d’autre part, de larges pouvoirs pour adapter les services publics aux évolutions de l’intérêt général, telles que, comme en l’espèce, des changements technologiques. Le Conseil d’Etat décida, alors, logiquement que ce principe justifiait, en la forme et au fond, la cessation de la diffusion des émissions via le canal créé en 1948.

Il convient donc d’étudier l’arrêté du 26/04/1956 en tant qu’il est le fruit, d’une part, du principe de mutabilité des règlements administratifs (I) et, d’autre part, du principe de mutabilité des services publics (II).

  • I – Un arrêté fruit du principe de mutabilité des règlements administratifs
    • A – Un principe synonyme d’une totale liberté d’abrogation
    • B – Un principe qui souffre certains contre-poids
  • II – Un arrêté fruit du principe de mutabilité des services publics
    • A – Un principe fondé sur l’évolution de l’intérêt général
    • B – Un principe qui confère de larges pouvoirs à l’administration
  • CE, sect., 27/01/1961, Vannier

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