La responsabilité sans faute est probablement l’une des spécificités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Elle peut se fonder soit sur le risque, soit sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Dans cette dernière hypothèse, il existe trois variétés de responsabilité : la responsabilité pour dommages permanents de travaux public, la responsabilité du fait des lois et conventions internationales, et, enfin, celle du fait des décisions administratives régulières. C’est cette dernière hypothèse qui est en cause dans l’arrêt étudié.

Dans cette affaire, Mr. Lavaud a ouvert en main 1981 une pharmacie dans le quartier des Minguettes à Lyon. Quelques semaines plus tard, l’office public d’HLM (habitations à loyer modérés) de la communauté urbaine de Lyon décide de fermer deux tours. Deux ans plus tard, c’est la décision de fermer huit autres tours qui est prise. Connaissant une baisse importante de sa clientèle et étant obligé de déménager, Mr. Lavaud saisit le tribunal administratif de Lyon afin d’obtenir une indemnisation de son préjudice. Celui-ci lui alloue, le 22 mars 1990, des dommages et intérêts d’un montant de 570 900 F. L’office fait, alors, appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Lyon qui casse, le 19 mars 1992, le jugement du tribunal. Mr. Lavaud se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat. Celui-ci reconnaît, le 31 mars 1995, par un arrêt de section, la responsabilité sans faute de l’office public d’HLM sur la base d’une rupture de l’égalité devant les charges publique du fait d’une décision administrative régulière.

Le juge aurait pu retenir deux autres fondements à la responsabilité de l’office public d’HLM. Le premier concerne l’hypothèse d’une faute, mais, en l’espèce, la décision est tout à fait régulière. Le juge aurait aussi pu se baser sur la qualité de tiers de Mr. Lavaud par rapport aux ouvrages publics, ce qui ouvre droit à une responsabilité sans faute fondé sur le risque. Mais, ce n’est pas non plus sur cet élément que se base le juge administratif. Celui-ci retient la responsabilité sans faute de l’Administration du fait d’une décision administrative régulière. Il s’agit là de l’un des trois cas de responsabilité sans faute fondé sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Plus précisément, lorsque une décision administrative, réglementaire ou individuelle, cause, malgré sa légalité, un préjudice, le Conseil d’Etat estime juste que celui-ci soit indemnisé. En effet, en pareille hypothèse, la victime supporte, dans l’intérêt général, des charges que les autres membres de la collectivité ne supportent pas. Il y donc lieu de l’indemniser. Deux conditions doivent, cependant, être remplies. Le préjudice doit être anormal et spécial à la victime.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les fondements possibles de la responsabilité de l’office public d’HLM (I), et d’analyser dans une seconde partie l’engagement de la responsabilité de l’office (II).

  • I – Les fondements possibles de la responsabilité de l’OPHLM
    • A – Les fondements écartés
    • B – La responsabilité sans faute du fait des décisions administratives régulières
  • II – L’engagement de la responsabilité de l’OPHLM
    • A – Le préjudice est anormal
    • B- Le préjudice est spécial
  • CE, 31/03/1995, Lavaud

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