« En démocratie, gouverner c’est choisir, mais aussi négocier. » Cette phrase de Pierre Mendès France, résume bien le dilemme institutionnel entre le fait majoritaire, symbole de stabilité, et le gouvernement de coalition, incarnation du compromis politique.

Dans le cadre des institutions françaises de la Ve République, le fait majoritaire se définit comme la situation où une majorité parlementaire stable soutient le gouvernement, garantissant ainsi la mise en œuvre du programme présidentiel. Ce phénomène découle des institutions de la Ve République, semi-présidentielles et rationalisées, ainsi que du mode de scrutin majoritaire à deux tours. À l’inverse, dans la majorité des pays européens (Allemagne, Italie, Espagne…), le gouvernement repose sur des coalitions multipartites, fruit d’un mode de scrutin proportionnel ou mixte et d’une culture politique valorisant le compromis. Ces deux modes de fonctionnement ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. En effet, le fait majoritaire français, fondé sur les institutions semi-présidentielles et le scrutin majoritaire, garantit une stabilité gouvernementale et une efficacité décisionnelle en période normale. Cependant, il peut marginaliser l’opposition et concentrer les pouvoirs entre les mains de l’exécutif, entraînant un déséquilibre institutionnel. À l’inverse, les gouvernements de coalition, prédominants dans les autres démocraties européennes, favorisent le dialogue et l’inclusion politique mais s’accompagnent parfois d’une certaine instabilité.

La Ve République, instaurée en 1958, visait à renforcer la stabilité politique en limitant l’instabilité gouvernementale chronique de la IVe République. Dans le système parlementaire rationalisé qui se met alors en place le fait majoritaire s’impose comme le fonctionnement « normal » des institutions. Ce fait majoritaire connait cependant des exceptions. En effet la France a connu, dans l’histoire de la Ve République trois périodes de cohabitation (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002) mais aussi des périodes de majorité relative (1988-1993 mais aussi depuis 2022, et encore plus depuis la dissolution de 2024). À l’inverse, les systèmes parlementaires européens, plus habitués à la coalition, ont développé des mécanismes institutionnels pour gérer la diversité politique.

Nous nous demanderons, dans le cadre du présent sujet, quels sont les effets du fait majoritaire sur les relations entre le parlement et le gouvernement en France, et en quoi le modèle européen de coalition peut-il constituer une source d’inspiration pour surmonter les blocages liés à l’absence de majorité absolue ?

Pour rendre compte de cette problématique, nous examinerons d’abord les fondements institutionnels et culturels du fait majoritaire en France et du gouvernement de coalition dans d’autres pays européens (I). Nous analyserons ensuite les conséquences de ces deux systèmes sur le fonctionnement des institutions et les relations entre le parlement et le gouvernement (II).

  • I - Les fondements institutionnels et culturels du fait majoritaire et du système de coalition
    • A - Le fait majoritaire en France : un produit des institutions de la Ve République
    • B - Les gouvernements de coalition en Europe : une tradition parlementaire fondée sur le compromis
  • II - Les conséquences du fait majoritaire et du gouvernement de coalition sur le fonctionnement des institutions et les relations parlement-gouvernement
    • A - Les effets du fait majoritaire en France : la stabilité au risque du déséquilibre des pouvoirs
    • B - Les impacts des gouvernements de coalition en Europe : la représentativité au risque de l’instabilité

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