« Un jour ma mère m’a dit que ce pays était comme un chez-soi loin de son chez-soi pour la Reine du Canada. Monsieur le Premier ministre, je suis heureuse de vous rapporter que c’est encore vrai aujourd’hui ». Cette citation de la Reine Elizabeth II, employée ici pour décrire la nation canadienne, est vraie et fausse à la fois en ce qui concerne le système politique canadien. Le système de Westminster britannique, exporté au Canada, y a connu des transformations majeures où le bipartisme britannique s’est effacé au profit d’un multipartisme influençant la gouvernance parlementaire.
Le modèle de Westminster fait référence à un régime parlementaire dans lequel le gouvernement est issu du Parlement et responsable devant lui, le Premier ministre est le chef du parti majoritaire à la chambre basse et dans lequel le chef de l’Etat exerce un rôle en retrait. Il se caractérise généralement par un mode de scrutin uninominal à un tour. Il tire son nom du Palais de Westminster, siège du Parlement britannique. Le bipartisme britannique repose sur un système où deux grands partis dominent la vie politique. Il s’agit en l’espèce du Parti conservateur et du Parti travailliste. L’éclatement du bipartisme au Canada désigne l’évolution du système vers un multipartisme où plusieurs partis influencent la formation du gouvernement et les dynamiques parlementaires.
Le système de Westminster a été exporté dans de nombreuses nations membres ou anciennement membres du Commonwealth. Il est possible de citer à ce titre le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore la Jamaïque. Le Canada a ainsi hérité du modèle de Westminster en 1867 avec l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, instaurant une monarchie constitutionnelle et un régime parlementaire calqué sur celui du Royaume-Uni. Cependant, contrairement au Royaume-Uni, où le bipartisme a perduré, le Canada a évolué vers un système multipartite, avec l’émergence de partis influents. Si deux partis principaux se partagent la plupart des sièges, aujourd’hui le Parti Conservateur et le Parti Libéral (actuellement au pouvoir), de nombreux partis ont vu le jour et possèdent parfois un nombre de députés important, leur permettant de véritablement influer sur l’équilibre des pouvoirs à la Chambre des communes du Canada. Peuvent à ce titre être cités le Bloc Québécois, le Nouveau Parti Démocrate (NPD), le Parti Vert ou encore le Parti réformiste. Cette fragmentation a modifié les dynamiques parlementaires canadiennes, rendant les gouvernements majoritaires moins fréquents et favorisant la nécessité de compromis interpartisans.
Il convient ainsi de répondre à la problématique suivante : Dans quelle mesure l’évolution du système politique canadien, marqué par la montée du multipartisme, a-t-elle transformé le modèle de Westminster et différencié son fonctionnement de celui du Royaume-Uni ?
Nous verrons d’abord comment le Royaume-Uni et le Canada partagent un cadre institutionnel hérité du modèle de Westminster (I), avant d’analyser les différences majeures liées à l’éclatement du bipartisme canadien et ses conséquences sur le fonctionnement du Parlement et du gouvernement (II).
- I - Un cadre institutionnel commun issu du modèle de Westminster
- A - L’existence de similitudes de fonctionnement du modèle de Westminster au Royaume-Uni et au Canada
- B - Une structure législative bicamérale similaire malgré certaines nuances
- II - Un éclatement du bipartisme aux fortes conséquences institutionnelles au Canada
- A - Une fragmentation du paysage politique canadien contrastant avec le bipartisme britannique
- B - Du système de Westminster au système de la Colline du Parlement ? La nécessaire adaptation du régime parlementaire canadien au multipartisme