L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen précise que « la loi est l’expression de la volonté générale ». Durant longtemps, l’attachement à cette philosophie juridique mise en œuvre par les révolutionnaires de 1789 a empêché l’édification d’un véritable contrôle de constitutionnalité des lois en France. La crainte principale résidait finalement dans une potentielle immersion des juges au sein même des travaux du pouvoir législatif, de sorte qu’une telle dérive ne pourrait qu’amener à la regrettable perspective d’un « gouvernement des juges ».
Si le légiscentrisme empêche toute réflexion sur le sujet jusqu’à la mise en œuvre d’un pionnier comité constitutionnel en 1946, l’avènement de la Ve République entraine une dizaine d’années plus tard la création du Conseil constitutionnel. Dans le droit positif, le cadre et les règles applicables au Conseil sont prévus aux articles 56 à 63 de la Constitution. Composé de neuf membres désignés par les plus hautes autorités de l’État, le Conseil est avant tout conçu comme un véritable outil de rationalisation du parlementarisme, avant d’assumer plus largement son rôle de protecteur de la Constitution et des libertés fondamentales. La norme de références s’est étendue aujourd’hui à l’ensemble du bloc de constitutionnalité (CC, 16 juillet 1971, Liberté d’association, n° 71-44 DC), tandis que la question prioritaire de constitutionnalité permet depuis 2010 la saisine du Conseil par tout justiciable et sous certaines conditions au cours d’un procès devant une juridiction. Au-delà, le Conseil constitutionnel est amené à contrôler de façon facultative la constitutionnalité des lois ordinaires, de façon obligatoire celle des lois organiques et des règlements parlementaires, tout en étudiant aussi les contestations électorales pour les référendums, les élections présidentielles et parlementaires.
Le débat est aujourd’hui régulièrement remis sur la table, en particulier par ceux qui contestent la légitimité du Conseil constitutionnel ou le travail qu’il fournit : les membres du Conseil constitutionnel sont-ils de véritables acteurs juridiques ? Il est, en l’état actuel de notre système constitutionnel, bien difficile de répondre de façon réellement tranchée à cette interrogation légitime. En effet, la nature des missions confiées, leur évolution, mais aussi les conditions de nomination des membres ou encore leur neutralité supposée sont des éléments plus complexes qu’ils peuvent y paraitre de prime abord. Aujourd’hui, plusieurs éléments tendent à qualifier les membres du Conseil constitutionnel, de véritables acteurs juridiques (I), bien que d’autres pourraient permettre de les qualifier dans le même temps d’acteurs politiques (II).
- I - Les membres du Conseil constitutionnel : de véritables acteurs juridiques
- A - Une véritable judiciarisation des missions des membres du Conseil
- B - Un statut de juge constitutionnel indépendant pour les membres du Conseil
- II - Les membres du Conseil constitutionnel : des acteurs au rôle plus politique
- A - La mise en cause d’une nomination des membres du Conseil par des autorités politiques
- B - Une neutralité des membres largement mise à mal par la pratique du Conseil constitutionnel