« Nowé vëcape nokô a gï nô yuè taa nyii » est un proverbe kanak signifiant « Ne pas vouloir se poser plus haut que son aigrette ». Ce proverbe indique le rejet de l’orgueil et des volontés de dominations dans la culture kanak. Ce rejet a conduit la France, initialement pays colonisateur de la Nouvelle-Calédonie, à donner progressivement une autonomie politique à la Nouvelle-Calédonie, l’éloignant de son statut de collectivité territoriale « classique » auquel elle était originellement soumise sous la Ve République.
La Nouvelle-Calédonie est un archipel situé dans l’Océan Pacifique qui possède un statut constitutionnel distinct des autres collectivités françaises, en raison de son histoire coloniale et de la reconnaissance de la spécificité du peuple kanak. Son statut particulier est précisé par le Titre XIII de la Constitution « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ». La Constitution française de 1958 est la norme fondamentale qui organise le fonctionnement des institutions de la République et qui a dû évoluer pour intégrer la singularité institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Deux grands accords entourent l’évolution du statut juridique de l’archipel. Les accords de Matignon de 1988, signés entre les indépendantistes et les loyalistes sous l’égide de Michel Rocard, ont marqué un tournant majeur en instaurant une période de transition vers une consultation référendaire sur l’avenir du territoire. L’accord de Nouméa de 1998 a prolongé cette dynamique en instaurant une autonomie progressive et en organisant des référendums d’autodétermination.
La Nouvelle-Calédonie a été colonisée par la France au XIXᵉ siècle et a longtemps été intégrée au pays comme une collectivité territoriale classique. Cependant, les tensions croissantes entre la population autochtone kanak et les colons européens ont progressivement conduit à une crise politique majeure dans les années 1980, aboutissant aux événements d’Ouvéa en 1988. Ces événements consistent en une attaque de la gendarmerie d’Ouvéa, au cours de laquelle des gendarmes sont pris en otage puis retenus dans une grotte. Cette prise d’otage a eu un retentissement majeur par la gravité et l’ampleur de l’attaque mais également parce qu’elle se déroula deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle de 1988. Cette attaque intervient à la suite d’une succession d’incidents particulièrement violents entre partisans et opposants à l’indépendance vis à vis de la France ayant eu cours depuis 1984. Ces affrontements sanglants ont accéléré la nécessité de trouver un compromis politique. Les accords de Matignon, puis l’accord de Nouméa, ont instauré un processus de reconnaissance progressive de l’identité kanak et un transfert de compétences de l’État vers les institutions locales.
Au vu de ces éléments il convient de se demander dans quelle mesure l’évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie dans la Constitution française depuis 1988 illustre-t-elle un équilibre entre le principe d’indivisibilité de la République et la reconnaissance d’une autonomie spécifique ?
Nous verrons tout d’abord que les accords de Matignon ont constitué une première étape vers une autonomie institutionnelle progressive, tout en restant encadrée par la République française (I). Nous analyserons ensuite comment l’accord de Nouméa et son inscription dans la Constitution ont consolidé ce statut particulier, sans pour autant clore définitivement la question de l’indépendance (II).
- I - Les accords de Matignon : un premier pas vers une autonomie encadrée
- A - La mise en place d’un nouveau cadre institutionnel afin de mettre fin à une crise politique majeure
- B - L’absence de consultation référendaire et la nécessaire conclusion de nouveaux accords
- II - L’accord de Nouméa et la consécration d’un statut sui generis dans la Constitution : une reconnaissance juridique effective malgré un avenir incertain
- A - L’accord de Nouméa : la reconnaissance inédite d’une identité kanak et d’une souveraineté partagée
- B - L’inscription de l’accord de Nouméa dans la Constitution et la mise en place du processus référendaire : des avancées majeures à l’avenir incertain