« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ». Cette citation de François Mitterrand, prononcée en Conseil des ministres en 1981, dans les mois qui suivent son élection, montre la nécessité des collectivités de s’adapter à leur temps par une plus grande décentralisation et la priorité qui était alors donnée à une telle réforme.
La Constitution de la Ve République pose les principes fondamentaux de l’organisation territoriale de la France, conciliant unité nationale et autonomie locale. L’article Premier de la Constitution prévoit que la France est une « République indivisible ». L’indivisibilité de la République, interdisant la création de pouvoirs souverains locaux, n’interdit toutefois pas toute forme de décentralisation. Le Titre XII « Des collectivités territoriales » prévoit, de l’article 72 à l’article 75-1 de la Constitution, les dispositions relatives aux collectivités territoriales, leur identification, leurs compétences ou encore la reconnaissance des langues régionales comme appartenant au patrimoine de la France. La décentralisation est quant à elle un processus par lequel l’État transfère des compétences aux collectivités territoriales.
L’État français est traditionnellement particulièrement centralisé. La plupart des régimes successifs ont organisé cette centralisation : la monarchie sous l’Ancien régime, les Empires ou encore le régime post-Seconde guerre mondiale. Les institutions de la Ve République participent à cette tradition d’État centralisé en France. La Constitution reconnaît l’existence des collectivités locales mais leurs prérogatives sont strictement encadrées. Les collectivités territoriales françaises ont toutefois vu leurs compétences être fortement modifiées par les lois de décentralisation de 1982, adoptées sous la présidence de François Mitterrand. Ces lois amorcent un changement de paradigme pour la France, renforcé par la révision constitutionnelle de 2003 qui entérine dans la Constitution ce processus de décentralisation.
Au vu de ces éléments, il convient de répondre à la problématique suivante : Comment la Constitution de la Ve République organise-t-elle les relations entre État et collectivités territoriales, et comment concilie-t-elle décentralisation et principe d’indivisibilité de la République ?
Nous verrons dans un premier temps que la Constitution affirme l’indivisibilité de la République tout en organisant un cadre rigide pour les collectivités territoriales (I). Nous analyserons ensuite comment la décentralisation a transformé ce cadre tout en respectant les limites constitutionnelles imposées par le principe d’indivisibilité (II).
- I - Une organisation institutionnelle laissant initialement peu de place à la décentralisation
- A - L’affirmation en 1958 du principe d’indivisibilité de la République
- B - Une autonomie locale limitée par le cadre constitutionnel
- II - L’évolution vers une décentralisation encadrée par la Constitution
- A - La réforme de 1982 : une rupture avec la tradition centralisatrice française
- B - La réforme de 2003 : la consécration constitutionnelle de la décentralisation