« La Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux », avait déclaré le Président du Sénat, Gérard Larcher, à l’occasion d’une interview marquant son opposition dans les débats alors relatifs à l’introduction de la protection de l’interruption volontaire de grossesse dans notre texte constitutionnel. Effectivement, le Parlement a récemment adopté une loi constitutionnelle, la première au monde visant à insérer dans la Constitution la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. La loi constitutionnelle du 8 mars 2024 (loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse) est ainsi venue ajouter un dix-septième alinéa à l’article 34 précisant que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cinquante ans après la loi Veil sur le sujet, cette constitutionnalisation d’une liberté considérée comme sociétale – et potentiellement menacée par des remises en cause politiques – n’a pas manqué de créer le débat à l’image de la prise de position du président du Sénat.

Pour le Professeur Frédéric Rolin, la Constitution « c’est à la fois le texte organisant le fonctionnement des pouvoirs publics, mais c’est aussi le socle de notre système de droits et libertés » (Frédéric Rolin, « La Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux… », Dalloz Actualité, 29 janvier 2024). Comme le rappellent plusieurs auteurs, elle est aussi « un acte souverain traduisant le Pacte social à la base de la société. De ce point de vue, la constitution est un contrat visant à limiter le pouvoir de l’État et des gouvernants. Fruit du libéralisme politique, la constitution s’impose, à partir du XVIIIe siècle, comme l’acte fondamental destiné à préserver les libertés individuelles et nourrit une véritable doctrine politique : le constitutionnalisme. La constitution apparaît ainsi comme un acte politique dont la légitimité est grande et justifie sa place dans la hiérarchie des normes. (…) Il n’existe toutefois pas de matière constitutionnelle a priori, l’importance des règles étant tributaire de la volonté du constituant. Certaines matières ont ainsi pu figurer dans la constitution avant d’en être exclues » (Guillaume Protière, Nicolas Chambardon, Matthias Malblanc et Julien Béal-Long, Les indispensables du droit constitutionnel, Ed. Elipses, 2016, p. 45). Ces derniers propos font évidemment échos à ceux du président du Sénat qui arguait que la Constitution ne pouvait réellement devenir un catalogue de droits sociaux et sociétaux. Pour autant, les évolutions politiques et juridiques n’amènent-elles pas à l’insertion de ces droits dans le droit constitutionnel, aux côtés d’autres dimensions plus traditionnelles ?

Il apparait sur ce point que la Constitution est aujourd’hui un socle indispensable d’un certain nombre de droits et libertés (I), amené à s’étendre au gré des évolutions bien naturelles d’un droit constitutionnel qui ne saurait rester figé (II).

  • I - La Constitution, socle aujourd’hui indispensable des droits et libertés
    • A - Des droits sociaux, sociétaux et des libertés placés au cœur du droit constitutionnel
    • B - Des droits sociaux, sociétaux et des libertés comme références dans le cadre du contrôle de constitutionnalité
  • II - La Constitution, une norme évolutive malgré sa force normative
    • A - La possibilité d’intégrer à la Constitution de nouveaux droits et libertés à protéger
    • B - Une Constitution raisonnablement adaptable à notre temps

Télécharger