Comme l’affirme l’article 88-1 de la Constitution de la Ve République « la République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne […] ». Si l’appartenance de la France à l’Union est ainsi gravée dans le marbre constitutionnel il n’en demeure pas moins que la construction européenne a profondément transformé l’ordre juridique des États membres, en posant la question des rapports entre le droit national et le droit de l’Union européenne. En France cette situation ne manque pas de soulever un certain nombre d’interrogations relatives à l’articulation entre droit constitutionnel français et droit de l’Union européenne.

Le présent sujet amène à étudier les relations entre deux ensembles normatifs, d’une part le droit constitutionnel français, qui désigne l’ensemble des règles fondamentales qui découlent de la Constitution de 1958 et qui organisent l’État, garantissent les droits fondamentaux et définissent la souveraineté nationale et d’autre part le droit de l’Union européenne (UE) qui désigne l’ensemble des normes adoptées par les institutions européennes, comprenant le droit primaire (traités) et le droit dérivé (règlements, directives, décisions). Un des principes fondamentaux en matière de droit de l’UE est le principe de primauté, qui implique que le droit de l’Union, primaire comme dérivé, prime sur le droit national. Ce principe ne résulte non pas d’une disposition expresse des traités mais de la jurisprudence de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne).

D’un point de vue historique, depuis l’adhésion de la France aux Communautés européennes en 1957 (Traité de Rome), le droit de l’UE s’est progressivement imposé dans l’ordre juridique interne. Le traité de Rome marque la naissance d’un ordre juridique européen autonome, distinct des ordres juridiques nationaux. Cependant, à cette époque, la France perçoit encore les traités européens comme relevant du droit international classique, où les États restent souverains. Une rupture va intervenir en 1964 avec l’affirmation du principe de primauté du droit de l’Union par l’arrêt de la CJUE Costa c. Enel (15 juillet 1964). Ce principe de primauté a été réaffirmé à plusieurs reprises par la jurisprudence par la suite. L’arrêt Handelsgesellschaft du 17 décembre 1970 affirme notamment que cette primauté s’étend aux constitutions nationales. Cette jurisprudence européenne va conduire à une adaptation de la jurisprudence française. Si dès 1958 l’article 55 de la Constitution reconnait la supériorité des traités internationaux sur les lois internes il faudra attendre 1975 pour que la Cour de cassation reconnaisse le principe de primauté du droit de l’Union (arrêt Jacques Vabre du 24 mai 1975) et 1989 pour le Conseil d’État fasse de même (arrêt Nicolo du 20 octobre 1989). L’article 88-1 de la Constitution qui affirme l’appartenance de la France à l’Union européenne sera adopté en 1992 à l’occasion d’une révision constitutionnelle permettant la ratification du traité de Maastricht. D’autres réformes constitutionnelles suivront pour permettre la ratification d’autres traités européens en 1997 (traité d’Amsterdam), 2001 (traité de Nice) et 2008 (traité de Lisbonne).

La présente dissertation amène à s’interroger sur l’articulation entre droit constitutionnel français et droit de l’Union européenne, notamment au regard des tensions potentielles entre le principe de souveraineté nationale et le principe de primauté du droit européen.

Dans ce cadre nous aborderons tout d’abord la reconnaissance progressive du droit de l’UE par le droit constitutionnel français (I), avant d’analyser les limites et les résistances posées par la souveraineté nationale au principe de primauté du droit de l’UE (II).

  • I - L’intégration du droit de l’Union européenne dans l’ordre constitutionnel français
    • A - La reconnaissance progressive du principe de primauté du droit de l’Union européenne par le droit interne français
    • B - Une adaptation constitutionnelle nécessaire pour garantir la conformité avec le droit de l’UE
  • II - Les résistances du droit constitutionnel français face à la primauté du droit européen
    • A - La suprématie de la Constitution française face au droit de l’Union européenne
    • B - Les limites à l’intégration du droit européen dans l’ordre constitutionnel français

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