Selon la formule empruntée au Professeur Guy Carcassonne, « une bonne Constitution ne peut suffire à faire le bonheur d’une nation. Une mauvaise peut suffire à faire son malheur ». Cette citation montre bien la double dynamique à laquelle est soumise la Constitution : avoir la capacité de se réformer pour rester une « bonne » Constitution dans le temps tout en ayant la capacité de protéger suffisamment sa révision pour ne pas en devenir une « mauvaise ».

La Constitution est l’ensemble des lois fondamentales d’un Etat qui définissent les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique. La révision constitutionnelle définit la procédure juridique par laquelle la constitution voit une ou plusieurs de ses dispositions modifiées. La Constitution de la Ve République est une Constitution rigide pouvant être modifiée par une procédure spéciale prévue par son article 89. À l’initiative du Président de la République, le projet de révision doit être approuvé dans les mêmes termes par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et soumis à référendum. Le Président peut aussi soumettre le projet de révision constitutionnelle au Parlement réuni en Congrès qui doit alors l’adopter à une majorité des 3/5èmes. La Constitution prévoit, ainsi qu’il sera vu au cours de la présente dissertation, des cas de figure dans lesquels aucune révision de la Constitution ne peut avoir lieu afin de protéger le texte constitutionnel.

Sous la Ve République, la Constitution a été révisée vingt-cinq fois depuis 1958. Certaines révisions ont eu une importance majeure sur le paysage politique et la société française, comme l’instauration de l’élection présidentielle au suffrage universel direct en 1962 ou la réduction du mandat présidentiel à cinq ans en 2000. Cependant, de nombreuses tentatives de révision ont échoué, montrant la rigidité des garde-fous prévus par la Constitution pour sa propre révision. Par ailleurs, il est à noter que l’article 11 a été utilisé par le Général de Gaulle pour contourner la procédure classique de l’article 89. Une telle utilisation, permettant alors de directement soumettre une révision constitutionnelle au referendum, a soulevé d’importants débats sur les limites procédurales de la révision constitutionnelle.

La présente dissertation répondra à la problématique suivante : La Constitution peut-elle être modifiée sans restriction ou impose-t-elle elle-même des limites à sa propre révision ? Quels sont ces éventuels obstacles et comment s’appliquent-ils dans le cadre de la Ve République ?

Pour répondre à cette problématique, nous verrons d’abord que la Constitution fixe un cadre procédural et matériel qui restreint sa propre révision (I). Nous analyserons ensuite dans quelle mesure ces limites peuvent être contournées ou remises en cause (II).

  • I - Un encadrement de la révision constitutionnelle par la Constitution elle-même
    • A - Un cadre procédural contraignant fixé à l’article 89 de la Constitution
    • B - L’existence de limites à la révision de la Constitution en dehors du seul article 89
  • II - L’existence d’un risque de contournement des limites à la révision constitutionnelle
    • A - Le possible recours à des procédures alternatives pour modifier la Constitution
    • B - Existence et limites du risque de modification des barrières fixées à la révision constitutionnelle

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