La Convention européenne des droits de l’Homme est le résultat d’une longue lutte pour la sauvegarde des libertés et des droits fondamentaux sur notre continent après la Seconde Guerre mondiale. Le Conseil de l’Europe a ainsi appris des drames de notre histoire que la liberté de conscience, notamment pour ce qui est des convictions philosophiques, politiques et religieuses, est particulièrement fragile. De la même façon, et dans la continuité de cette liberté, la lutte contre les discriminations apparait comme un élément extrêmement important.

À ce titre, l’article 9 de la Convention prévoit que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Aussi, l’article 14 de la Convention précise que : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

En ce qui concerne plus particulièrement l’expression de la liberté religieuse, la Convention n’empêche pas les États de prendre des mesures visant à son encadrement, mais cela doit être uniquement justifié par l’intérêt général ou par le respect des convictions d’autrui. La culture à ce propos est évidemment différente d’un État à un autre, par exemple entre l’Italie très religieuse et la France très laïque.

En l’espèce, quatre requêtes dirigées contre le Royaume-Uni sont présentées à la Cour durant l’année 2010. Les requérants soutenaient notamment que le droit national britannique n’avait pas protégé de façon adéquate leur droit de manifester leur religion. Madame Eweida, agent d’enregistrement dans un aéroport et Madame Chaplin, agent d’un hôpital public, se plaignaient notamment de restrictions par leurs employeurs concernant le port visible d’une croix à leur cou. Madame Ladele, agent d’état civil et Monsieur McFarlane, employé d’une association, évoquaient des sanctions prises contre eux par leurs employeurs parce qu’ils étaient réticents à accomplir des tâches cautionnant, selon eux, les unions homosexuelles. Après avoir épuisé toutes les voies de recours interne, les citoyens britanniques portent respectivement leur affaire devant les juges de Strasbourg qui n’ont pas hésité à joindre ces quatre requêtes compte tenu de la proximité des faits et réglementations invoquées dans un même État. Elles posent indéniablement la question de l’étendue des libertés consacrées en matière de conscience et de religion et des limites imposées par le principe de non-discrimination, en particulier dans les rapports avec son employeur ou sur son lieu de travail.

Il ressort de ces affaires qu’un équilibre le plus juste possible doit être recherché dans les interdictions liées à l’expression religieuse, notamment celle s’exprimant à travers le port de signes ou objets religieux (I). Par ailleurs, la Cour évoque la nécessité d’une préservation des autres droits et notamment du principe de non-discrimination à laquelle les convictions religieuses ne sauraient faire obstacle (II).

  • I - La nécessaire garantie d’un équilibre entre liberté d’expression religieuse et mesures étatiques de neutralité
    • A - Des principes généraux découlant de l’article 9 de la Convention
    • B - La possibilité d’encadrement de ces principes par les États membres
  • II - La nécessaire garantie d’un équilibre entre l’expression des convictions religieuses et le respect des droits fondamentaux des tiers
    • A - Des principes généraux découlant de l’article 14 de la Convention
    • B - L’application de potentielles restrictions à ces principes par les États
  • CEDH, 27 mai 2013, Eweida et a. c/ Royaume-Uni

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