Le droit à la vie privée et la liberté d’expression se retrouvent souvent en conflit face au déploiement de la presse à sensation, obligeant la Cour de cassation à réaliser un délicat équilibre entre ces deux droits fondamentaux, comme l’illustre l’affaire ici envisagée.

La société Hachette Falipacchi a publié un article, illustré par des photographies, sur le mariage religieux de M. Andrea Z. et Mme Tatiana D., ainsi que sur le baptême de leur fils E.

M. Z. et Mme D. ont poursuivi la société H. en réparation, sur le fondement de leurs droits au respect de leur vie privée et de leur image.

Le Tribunal de première instance ainsi saisi a rendu un jugement, dont la partie mécontente a interjeté appel devant la Cour d’appel de Versailles.

Le 3 novembre 2016, cette dernière a considéré que le mariage religieux et le baptême revêtaient un caractère privé, dont l’atteinte portée par le journal n’était justifiée par aucun événement d’actualité ou de débat d’intérêt général.

La société H. a alors formé un pourvoi en cassation, se fondant sur la liberté d’expression, en arguant du fait que, factuellement, le mariage et le baptême dont il était question pouvaient avoir une influence sur l’ordre de succession au trône de la principauté, et pouvaient ainsi intéresser le public, en plus de constituer un fait d’actualité.

La question qui s’est alors posée à la première chambre civile de la Cour de cassation était celle de savoir si un élément qui relève a priori du droit à la vie privée peut être divulgué sur le fondement de la liberté d’expression ? Dans l’affirmative, à quelles conditions ?

Le 21 mars 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a répondu par l’affirmative au visa des articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), ainsi que de l’article 9 du Code civil. Elle a en effet rappelé que le droit à la vie privée peut-être limité par l’exercice de la liberté d’expression lorsqu’il existe un événement d’actualité ou un débat d’intérêt général, lesquels devront être appréciés de manière factuelle et concrète par les juges du fond. Elle casse et annule donc l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles, renvoyant les parties devant la Cour d’appel de Paris.

Ainsi est-il nécessaire d’envisager d’une part l’égalité théorique entre les droits protégés par les articles 8 de la CESDH et 9 du Code civil, et la liberté d’expression (I) et d’autre part le déséquilibre factuel qui résulte d’une telle mise en balance (II).

  • I – Les droits à la vie privée et à l’image théoriquement égaux à la liberté d’expression
    • A – Des valeurs normatives identiques
    • B – La recherche d’un équilibre nécessaire
  • II – Les droits à la vie privée et à l’image factuellement atteints par la liberté d’expression
    • A – Des critères factuels posés
    • B – Une appréciation variable
  • Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 mars 2018, 16-28.741

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