La responsabilité médicale est, pour le Conseil d’Etat, depuis de nombreuses années, un terreau fertile à la prise d’arrêts de principe. Il suffit de penser à l’abandon de l’exigence d’une faute lourde en matière médicale pour engager la responsabilité des hôpitaux, ou à la consécration d’une responsabilité sans faute pour risque spécial de dommage du fait de la mise en œuvre de procédés médicaux. Les deux affaires, dont le commentaire suit, sont l’occasion pour le juge administratif de poursuivre ce mouvement en élargissant les préjudices indemnisables en cas de défaut d’information du patient.

En effet, dans ces deux espèces, les patients ont subi un préjudice qui découle d’un défaut d’information de la part des médecins. Le premier, dans l’affaire jugée le 24 Septembre 2012, a subi une gastroplastie verticale afin de traiter son obésité. L’opération a été un succès, mais le patient n’ayant pas respecté les restrictions alimentaires prescrites par les médecins, une nouvelle intervention a du être menée. Le Conseil d’Etat sanctionne l’hôpital au motif que le patient avait donné son accord pour une intervention moins invasive. Dès lors, pour le juge administratif suprême, le patient n’ayant pas été informé de la teneur réelle de l’opération, il n’a pu y consentir, ce qui constitue une violation de son consentement susceptible de réparation. Dans l’affaire du 10 Octobre 2012, le patient avait subi une intervention chirurgicale nécessaire au traitement d’une tumeur rectale. Cette opération devait, cependant, être suivie de complications entrainant une atteinte aux fonctions sexuelles de l’intéressé. C’est, alors, l’occasion que choisit le Conseil d’Etat pour consacrer un nouveau préjudice indemnisable, celui d’impréparation psychologique à la réalisation d’un risque du fait de l’absence d’informations adéquates données par les médecins.

Si l’on résume le propos, l’on se rend compte que le Conseil d’Etat admet la réparation de deux préjudices différents : celui résultant de la violation du consentement et celui constitué par l’impréparation psychologique. Tous deux résultent du défaut d’information du patient par les médecins. Ces deux décisions sont remarquables en ce qu’elles consacrent un préjudice moral, à double face, distinct de celui matérialisé par la perte d’une chance. En effet, jusqu’à présent, face à un défaut d’information, le juge administratif n’indemnisait que le préjudice résultant de la perte d’une chance de se soustraire à l’opération, et donc au risque impliqué par cette dernière. Pour voir admise la réparation des préjudices invoqués en l’espèce, il fallait, alors, tourner le regard vers le juge civil qui a toujours été, en la matière, précurseur. Les deux affaires de l’automne 2012 sont donc, pour le Conseil d’Etat, l’occasion de rejoindre les positions de la Cour de cassation lorsqu’il s’agit des préjudices indemnisables en cas de défaut d’information.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la jurisprudence classique sur le devoir d’information du patient (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, la reconnaissance d’un préjudice autonome de la perte d’une chance (II).

  • I – La jurisprudence classique sur le devoir d’information du patient
    • A – La consécration du devoir d’information du patient
    • B – Une réparation du défaut d’information limitée à la perte d’une chance
  • II – Juge administratif et défaut d’information en 2012 : la reconnaissance d’un préjudice autonome de la perte d’une chance
    • A – La reconnaissance d’un préjudice moral causé par la violation du consentement
    • B – La reconnaissance d’un préjudice d’impréparation psychologique
  • CE, 24/09/2012, M. C
  • CE, 10/10/2012, M. B

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