La responsabilité médicale est, pour le Conseil d’Etat, depuis de nombreuses années, un terrain fertile à la prise d’arrêts de principe. Il suffit de penser à l’abandon de l’exigence d’une faute lourde pour engager la responsabilité des hôpitaux en matière d’activités médicales (CE, ass., 10/04/1992, Epoux V). L’affaire, dont le commentaire suit, est l’occasion pour le juge administratif suprême de poursuivre ce mouvement en élargissant les préjudices indemnisables en cas de défaut d’information du patient.

Dans cette affaire, M. B a subi, le 1° mars 2002, une intervention chirurgicale nécessaire au traitement d’une tumeur rectale. Cette opération a, toutefois, été suivie de complications, justifiant des soins complémentaires et causant une atteinte aux fonctions sexuelles de l’intéressé. M. B a donc recherché la responsabilité du centre hospitalier régional et universitaire de Rouen devant le tribunal administratif de Rouen. Mais, celui-ci a rejeté sa requête le 9 juillet 2009. Un appel a, alors, été interjeté devant la cour administrative d’appel de Rouen qui a, le 16 novembre 2010, confirmé la solution rendue en première instance. M. B se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat contre ce jugement. Le 10 octobre 2012, la Haute juridiction fait droit au requérant en constatant une faute imputable au centre hospitalier.

Si la solution d’espèce importe pour M. B, elle ne présente pas d’originalité particulière quant à l’analyse faite par le juge du caractère fautif d’un acte médical. Elle ne sera donc pas analysée ici. En revanche, les considérants qui précèdent cette analyse se révèlent aussi didactiques que novateurs concernant les préjudices indemnisables en cas de défaut d’information du patient de la part du médecin. Plus précisément, tout médecin doit, préalablement à la réalisation de soins, informer son patient sur les risques que présentent ces soins. Jusqu’à présent, seul le risque tenant à la perte d’une chance d’éviter ce risque pouvait donner lieu à indemnisation en cas de non-respect de l’obligation d’information. Avec sa décision du 10 octobre 2012, le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité pour les patients de demander la réparation du préjudice résultant de l’impréparation psychologique face à la survenance du risque. Ces solutions sont conformes à celles pratiquées par le juge judiciaire, ce dernier ayant, d’ailleurs, été, il faut le noter, largement précurseur en la matière.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, l’existence d’un devoir d’information du patient à la charge du médecin (I) et d’analyser, dans une seconde partie, l’extension des préjudices indemnisables en cas de défaut d’information du patient (II).

  • I – Un devoir d’information du patient à la charge des médecins
    • A – Un devoir initialement reconnu par le seul juge civil
    • B – Une reconnaissance par le juge administratif et le législateur
  • II – L’extension des préjudices indemnisables en cas de défaut d’information du patient
    • A – Une réparation initialement limitée au seul préjudice lié à la perte d’une chance
    • B - Une réparation étendue au préjudice d’impréparation psychologique
  • CE, 10/10/2012, M. B, n° 350426

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