Le rôle de la société civile dans les découvertes des dysfonctionnements des personnes publiques n’est désormais plus à prouver. Le scandale sanitaire du Mediator, ce médicament qui s’est révélé excessivement dangereux alors que sa mise sur le marché avait été autorisée par l’État constitue un cas d’école de l’alerte lancée par des citoyens informés. Les arrêts CE, Sect., 9 novembre 2016, Mme K, Mme G, Mme B c/Ministre des affaires sociales, req. n°s 3939304, 393902 et 393926 constituent l’une des phases juridiques de ce dossier, dans son versant de droit public.

En 1974, les laboratoires Servier ont obtenu de l’État une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, le Médiator, ayant pour principe actif le benfluorex, initialement indiqué dans certaines hypercholestérolémies et hypertriglycéridémies endogènes de l’adulte et comme adjuvant du régime dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale. À partir du milieu des années 1990, des doutes sont apparus sur les effets secondaires néfastes et dangereux de ce médicament. Après plusieurs expertises, l’Agence nationale du médicament a retiré l’autorisation de mise sur le marché du médicament en 2009.

Plusieurs requérants ont recherché la responsabilité de l’État pour sa carence dans la détection du risque associé à la prise de Mediator, et l’absence, durant plusieurs années, de retrait de l’autorisation administrative de mise sur le marché. Madame G avait été exposée à la prise de ce médicament entre 1996 et 1997. Le Tribunal administratif de Paris avait reconnu la responsabilité de l’État, avant que son jugement ne soit infirmé par la Cour administrative d’appel de Paris au motif qu’avant mi-1999, il n’existait pas de doute sérieux quant à la dangerosité du produit. Ce faisant, elle a constaté une absence de faute de l’État pour la période litigieuse et rejeté les conclusions de la requérante. Le Conseil d’État valide les constatations et la qualification opérée par la Cour. Madame K a été exposée au Médiator entre 2007 et 2009. Elle a recherché la responsabilité de l’État en vue d’obtenir réparation de son préjudice d’anxiété qui se caractérise par le fait de vivre dans la crainte de développer une ou plusieurs pathologies associées. Le Tribunal administratif de Paris a reconnu la faute engageant la responsabilité de l’État mais a considéré que la requérante ne se prévalait pas d’un lien suffisamment direct et certain entre la faute de l’État et son préjudice. Il a donc rejeté ses conclusions. La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement. Le Conseil d’État confirme également le jugement des premiers juges. Mme B. a pris du Médiator à partir de 2002 et jusqu’à 2009. Elle a recherché également la responsabilité de l’État pour sa carence fautive. Par un jugement rendu avant dire droit, le Tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l’État à compter du 7 juillet 1999, et rejeté la demande de provision de la requérante. La Cour administrative d’appel confirme ce jugement et constate être dans l’impossibilité de se prononcer dans l’attente du rapport d’expertise sur le lien de causalité. Le Conseil d’État valide le raisonnement de la Cour sur ce point, mais la censure sur les conditions d’exonération de la responsabilité de l’État.

Ces arrêts attirent l’attention à plusieurs titres car le Conseil délimite les conditions de responsabilité de l’État en matière de contrôle des médicaments. D’une part, il reconnaît largement la responsabilité de l’État pour faute (I) et d’autre part, il délimite les conditions d’indemnisation des victimes (II).

  • I - Une responsabilité de l’État largement reconnue dans son principe
    • A - La seule exigence de faute simple
    • B - Une caractérisation circonstanciée de la faute simple
  • II - Une délimitation équilibrée des conditions d’indemnisation
    • A - Une condamnation qui doit être en rapport avec la faute réellement commise par l’État
    • B - L’admission du principe de l’indemnisation du préjudice d’anxiété
  • CE, sect., 9/11/2016, Mme B c/Ministre des affaires sociales
  • CE, sect., 9/11/2016, Mme G c/Ministre des affaires sociales
  • CE, sect., 9/11/2016, Mme K c/Ministre des affaires sociales

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