Lorsque la responsabilité de l’administration est recherchée sur le terrain de la faute, les administrés doivent, en principe, prouver l’existence de celle-ci. Il en va différemment dans certaines hypothèses où le juge administratif reconnait un régime de présomption de faute dans le cadre duquel c’est à l’administration d’établir qu’elle n’a pas commis de faute. L’arrêt Bussa vient donner une nouvelle illustration de ce mécanisme.

Dans cette affaire, Mme B a, le 7 novembre 1987, accouché sous X d’une petite fille qui a, par la suite, été adoptée par des parents venus des Alpes-Maritimes, lesquels l’ont prénommée Sophie. Lorsque cette dernière a atteint l’âge de 14 ans, Mme B a réussi à obtenir des informations sur sa nouvelle identité et sur celle de sa famille adoptive. Elle a, alors, pris contact avec sa fille biologique et s’est manifesté « de façon insistante et répétée, au cours de plusieurs années, tant auprès de cette dernière que des membres de sa famille et de son entourage ». Elle a même donné une certaine publicité à son parcours en intervenant dans les médias. La famille a, donc, recherché, devant le tribunal administratif de Nice, la responsabilité du département des Alpes-Maritimes à raison de la faute résultant de la divulgation par ses services à Mme B d'informations confidentielles relatives à la famille adoptive de Sophie. Le tribunal a, toutefois, rejeté leur recours le 27 janvier 2009. Un appel a été interjeté devant la cour administrative d’appel de Marseille qui, le 17 février 2011, a aussi rejeté leur requête. La famille de Sophie s’est, donc, pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui, le 17 octobre 2012, a fait droit à sa requête en reconnaissant « une faute dans le fonctionnement du service de l'aide sociale à l'enfance du département de nature à engager la responsabilité de ce dernier ».

Pour parvenir à la reconnaissance de cette faute, la Haute juridiction ne s’est pas basée sur les éléments de preuve apportés par la victime, comme avait pu le faire la cour administrative d’appel de Marseille, mais a considéré qu’au vu de la conjonction de faits qui caractérisait cette affaire, le service d’aide sociale à l’enfance était présumé avoir commis une faute, constituée en l’espèce par la violation du secret professionnel. Traditionnellement cantonné aux dommages de travaux publics et aux services publics hospitaliers, le mécanisme de la faute présumée trouve ici une nouvelle illustration. Très protecteur des administrés, ce mécanisme conduit à renverser la charge de la preuve : c’est, en effet, à l’administration de prouver qu’elle n’a pas commis de faute. Le juge administratif y recourt, généralement, lorsqu’il est quasiment impossible pour la victime d’établir la réalité de la faute et quand le préjudice apparait comme résultant, presque naturellement, du comportement de l’administration.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, la raison d’être du régime de la faute prouvée (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la nouvelle hypothèse de présomption de faute que le Conseil d’Etat consacre en l’espèce (II).

  • I – La raison d’être du régime de la faute présumée
    • A – La difficulté pour la victime d’établir la faute de l’administration
    • B – Un régime qui s’applique généralement dans deux grands secteurs
  • II – L’instauration d’un nouveau cas de faute présumée : la violation du secret professionnel par le service de l’aide sociale à l’enfance
    • A – L’accès non autorisé à des informations protégées sur l’identité d’une enfant née sous X et adoptée …
    • B - … révèle une faute dans le fonctionnement du service de l’aide sociale à l’enfance
  • CE, 17/10/2012, Bussa

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