La responsabilité sans faute est probablement l’une des spécificités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Elle peut se fonder soit sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques, soit sur le risque. Dans cette dernière hypothèse, il existe quatre variétés de responsabilité : la responsabilité au profit des collaborateurs des services publics, celle au profit des tiers victimes d’accidents de travaux publics, la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements et rassemblements, et, enfin, celle pour risque spécial de dommage. C’est cette dernière hypothèse qui est en cause dans l’arrêt étudié.

Dans cette affaire, le jeune Mehraz est opéré à l’hôpital Joseph Imbert d’Arles sous anesthésie générale en vue d’une circoncision rituelle. Un arrêt cardiaque survient au cours de l’opération et plonge le jeune garçon dans un coma profond. Celui-ci décède un an plus tard. Mme. Mehraz demande, alors, au tribunal administratif de Marseille la réparation du préjudice causé. Celui-ci rejette, cependant, la demande au motif qu’aucun cas de responsabilité ne correspond à son affaire. Elle saisit donc la cour administrative de Lyon, qui, le 20 septembre 1993, annule le jugement du tribunal, condamne l’hôpital à lui verser la somme de 150 000 F, et à verser 623 675,39 F à la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône. L’hôpital saisit, alors, le Conseil d’Etat pour faire annuler ce jugement. Celui-ci rejette la requête par un arrêt de section rendu le 3 novembre 1997 en raison du risque spécial de dommage lié à l’aléa thérapeutique.

Cet arrêt s’inscrit dans tout le mouvement jurisprudentiel qui a affecté la responsabilité médicale de puis le début des années quatre-vingt-dix. Après avoir abandonné l’exigence d’un faute lourde (CE, ass., 10/04/1992, Epx. V), le Conseil d’Etat a intégré la notion de responsabilité sans faute dans un domaine qui semblait, jusque là, réservé à la responsabilité pour faute. Fondée sur l’existence d’un risque spécial de dommage, le Conseil d’Etat étend, en 1993, la responsabilité sans faute pour utilisation des méthodes dangereuses à l’aléa thérapeutique. Désormais, le juge admet la possibilité d’indemniser un dommage résultant d’un risque dont la survenance est exceptionnelle au regard du risque habituel de traitement. Ce dommage ne doit avoir aucun lien avec l’état de santé antérieur de la victime, et avoir des conséquences d’une gravité hors du commun. C’est, ainsi, que quatre conditions sont fixées par le juge afin de délimiter ce type de responsabilité. Grosso modo, il s’agit, par là, d’indemniser les dommages qui apparaissent choquant au yeux de la société. Ce qui différencie l’arrêt étudié de celui de 1993 est que, dans cette affaire, le Conseil d’Etat admet l’indemnisation de l’aléa alors que l’opération ne présente aucun bénéfice thérapeutique pour le patient. Après avoir relevé que la cour d’appel n’avait commis aucune erreur en reconnaissant la responsabilité de l’hôpital, le juge valide l’indemnisation des préjudices moraux soufferts par Mme. Mehraz.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, l’extension de la responsabilité pour risque spécial de dommage à l’activité hospitalière (I), et, dans une seconde partie, d’analyser, l’engagement de la responsabilité de l’hôpital (II).

  • I – L’extension de la responsabilité pour risque spécial de dommage à l’activité hospitalière
    • A – Les hypothèses traditionnelles de responsabilité pour risque spécial de dommage
    • B- La responsabilité pour risque du fait d’un aléa thérapeutique
  • II – L’engagement de la responsabilité de l’hôpital
    • A – Les conditions de l’engagement
    • B- L’indemnisation de la famille
  • CE, sect., 3/11/1997, Hôpital Joseph Imbert d’Arles

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